mardi 24 mai 2011

Mein Griechischer Mitbewohner -- Mon colocataire Grec.

On parlerait presque de ghettoïsation si les locataires ne venaient pas, précisément, des quatre coins du monde. Dans ma rue, celle du 18 Octobre, vivent des tas d'étudiants. C'est, pourrait-on dire, le repère des ERASMUS.
L'un de mes amis vit avec un Jordanien depuis le départ de son colocataire Coréen, une autre partage sa cuisine avec une Libanaise, et ce ne sont que des exemples.

Moi, de mon côté, j'ai hérité d'un grand, d'un long Grec. Si haut qu'il pencherait presque lorsque se promenant dans la cuisine, vêtu d'un simple slip, il téléphone d'une main et jette des poignées d'épices dans la poêle de l'autre. C'est, je pense, l'image que je garderai de ce personnage sympathiquement excentrique, qui hurle au téléphone quand sa soeur l'appelle de bon matin.

Un jour, percevant une musique, infernale par son rythme platonique et par la voix incroyablement fausse du chanteur, tourner en boucle pendant une après-midi entière, je finis par m'inquiéter et m'approchai  discrètement de sa porte. J'étais accoutumé aux abominables chansons que, souvent, il me faisait endurer; mais cette fois, il y avait quelque chose de plus, et j'étais soudain envahi par un malaise dont je ne cernais pas l'origine. Je tendis l'oreille jusqu'à sentir son contact sur la porte du géant et, soudain, réalisai: Stelios chantait.
Le bond que je fis à cet instant me transporta bien loin de la porte et je m'aperçus, stupéfait, qu'aucun gloussement ne m'échappa. Ma surprise, probablement, fut trop intense pour qu'un tel phénomène n'apparût.
Je repartis m'enfermer dans ma chambre pour le reste de la journée et je craignis durant plusieurs jours qu'il ne me demandât mon avis sur ses compositions.

Cet article pourrait s'étaler sur des pages tant les anecdotes sont nombreuses, mais si l'on devait n'en citer qu'une, la voici.
Un soir où, assis sur mon lit, je parcourais les dernières pages d'un livre de Chimie avant de m'endormir, je fus surpris par un appel fort peu banal: Stelios, d'une voix que je n'avais encore jamais entendu, se mit à aboyer: "OLI ! OLI ! HILF MIR !!".
Alors là, deux choses: la première, c'est que l'ami grec m'appelle Oli depuis maintenant des mois. Si bien qu'il chantonne désormais chaque fois qu'il me croise, "ôh-li-ôh-li"; la seconde c'est que "Hilf mir!", en français, signifie "Aide moi!".
Cette parenthèse close, j'en reviens à notre histoire. A peine prévenu, je bondis de ma paillasse et me précipitai vers la porte. En l'ouvrant, je ne pus distinguer à travers l'épaisse fumée qu'une longue silhouette et une source incandescente. Tétanisé, le pyromane se tenait devant la carcasse flamboyante du grille-pain qu'il avait, une fois de plus, oublié de débrancher. Quelques bols d'eau suffirent à venir à bout du feu de joie. Le calme revenu, Stelios me proposa de se charger du rangement et m'indiqua qu'il me rembourserait le paquet de céréales dont il ne restait qu'une moitié, calcinée.
Je me souviens avoir mis un certain temps à trouver le sommeil, ce soir là. La semaine suivante, le chanteur se fit peintre et, chantonnant des airs que je finis par reconnaître, transforma le sombre espace en cuisine éclatante.

La fin de cette année universitaire rimera bientôt avec un départ définitif d'Allemagne pour mon compère; il sera probablement aisé de trouver, en France, quelqu'un de plus sympathique ou de plus antipathique, mais surement pas quelqu'un capable de rendre la vie en Cité U amusante et imprévisible comme le fit Stelios.

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